Pour faire suite à de tous récents sujets d’actualité nous concernant de près, je réponds ici à des interrogations bien naturelles chez certains de mes clients. Et je comprends parfaitement l’inquiétude actuelle des professionnels devant le dilemme de leur besoin et souhait d’avoir recours à un indépendant, face à la crainte d’être accusé de salariat déguisé.
Je ne suis pas salariée, mais bien indépendante.
La première question que l’on me pose concerne le pourcentage sur le chiffre d’affaires. Il est vrai que si un client devait représenter 80 % du chiffre d’affaires, on pourrait alors se poser bien des questions.
Cependant, la réponse n’est pas aussi simple. Et de fait, on ne trouve guère d’informations « officielles » mentionnant des pourcentages de chiffres ou d’heures.
Pour commencer, l’on ne peut pas se référer à une simple tarification sur des prestations qui peuvent être très différentes d’un client à un autre, puisque avec des niveaux de difficultés et de responsabilités différentes.
A la question du nombre d’heures effectuées, il faut bien évidemment regarder une moyenne sur l’année, ou au moins plusieurs mois, car il est évident qu’en tant qu’indépendant vous prenez des missions successives, et qui donc mobilisent la majorité de votre temps disponible sur une période donnée. Ainsi, vous pouvez très bien travailler sur une grosse retranscription audio de 5 heures qui va monopoliser entre 20 et 35 voire 40 heures de votre semaine, mais travailler ensuite pour un ou deux autres clients la semaine suivante. Ainsi sur votre mois, votre moyenne d’heures par clients se retrouve équilibrée.
Et quant aux prestations sur du long terme, la durée minimum autorisée d’un temps partiel en entreprise est aujourd’hui de 24 heures par semaine. Si donc un professionnel a besoin d’une personne pour moins de 24 heures par semaine, il n’a finalement pas beaucoup d’autre choix que de passer par un indépendant.
Pour ma part, si j’estime pouvoir assumer un temps de travail effectif de 35 à 40 heures par semaine, alors je n’accepte pas de mission à long terme mobilisant plus d’environ 18 heures par semaine. Ainsi, sur le long terme je ne passe pas plus de 50 % de mon temps de travail sur les prestations d’un seul et même client.
Mais le plus important des critères est ce fameux « lien de subordination ». C’est le principal critère que regarde l’URSSAF.
Le client donne-t-il lui-même les ordres et directives d’exécution ?
Contrôle-t-il et gère-t-il l’exécution de A à Z ?
A-t-il pouvoir de sanctionner ?
Imaginez que vous commandiez un gâteau chez votre pâtissier. Vous lui demandez un gâteau aux framboises ou au chocolat, pour dix personnes, et pour dimanche 25 mai. Mais en aucun cas vous ne dites au pâtissier combien de farine il doit mettre dans son gâteau, ou combien de temps de cuisson, à quelle heure il le fera, ni combien vous le paierez ! Vous agiriez alors comme un employeur, et le pâtissier serait votre salarié.
Mais vous êtes client :
– vous souhaitez la livraison d’une prestation particulière, de tel type et pour une date donnée.
Je suis prestataire indépendante :
– j’estime le temps de travail nécessaire pour l’exécution de votre prestation ;
– je détermine seule mes horaires et habitudes de travail ;
– j’établis un tarif par rapport à ma propre grille de facturation et vous présente un devis ou un contrat de prestation que vous êtes libre d’accepter ou non.
Ce lien de non subordination est primordial. S’il est évident que la relation client/prestataire ressemble plus à une relation employeur/employé, il y a fort à parier que seront alors regardés le nombre de clients, et les ratios chiffre d’affaires et temps de plannings.
Espérons cependant que ceux qui analyseront ces fameux ratios relatifs aux chiffres et au nombre de clients tiendront compte de l’ancienneté de l’entreprise ; car tout entrepreneur, quel que soit son statut juridique, au démarrage n’a forcément en portefeuille qu’un ou deux unique(s) client(s) assurant forcément les 100 % du chiffre d’affaires. D’où la difficulté, me semble-t-il, de ne s’arrêter qu’à ce seul chiffre ; et d’où l’importance que chacun se sente bien à sa place et comprenne son rôle en tant que client ou bien en tant que prestataire.
Laurence Moreau